Compter le temps de trajet dans le temps de travail ?

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Par Déborha VINDIOLET
Déborha VINDIOLET
Leader comptable chez L'Expert-Comptable.com avec plus de 6 ans d'expérience dans le domaine. Diplômée en DCG et BTS Comptabilité.
L'article en brefLe temps de trajet désigne le temps que les salariés consacrent pour se rendre de leur domicile à leur lieu de travail habituel. Ce temps n'est pas considéré comme du temps de travail effectif puisqu'il ne répond pas aux critères de disponibilité et de directives de l'employeur. Par conséquent, ce temps n'est pas rémunéré. Cependant, des débats surgissent concernant les déplacements professionnels exceptionnels, entraînant des décisions variées selon la jurisprudence.

Le temps de travail effectif, en revanche, comprend les heures pendant lesquelles le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives, sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles. Des exceptions existent, notamment lorsque le temps de trajet dépasse le temps normal ou lors de trajets spécifiques imposés par l'employeur. Dans ces cas, une compensation financière ou en temps de repos est prévue. La jurisprudence est venue clarifier plusieurs situations, affirmant parfois que certains trajets devaient être comptés comme du temps de travail effectif.
Sommaire

Qu’appelle-t-on le temps de trajet ?

Appelé temps de déplacement professionnel , le temps trajet correspond au temps permettant d’aller sur le lieu d'exécution du travail. Il s’agit du temps nécessaire pour se rendre de son domicile à son lieu de travail habituel. C’est un temps conditionné par l’activité professionnelle sans toutefois être un temps consacré directement au travail. Pendant ce trajet, l’employé n’est en effet pas à la disposition de son employeur et peut vaquer à ses occupations personnelles.

Qu'est-ce que le temps de travail effectif ?

Le temps de travail effectif correspond aux heures pendant lesquelles le salarié est à la disposition de l'employeur. Il doit donc se conformer à ses directives et ne peut pas vaquer librement à ses occupations personnelles.

En vertu de l’article L3121-1 du code de travail, 3 conditions doivent être réunies pour caractériser un temps de travail effectif :

  • Le salarié est à la disposition de l’employeur ;

  • Il se conforme aux directives de ce dernier ;

  • Le salarié ne peut pas vaquer librement à ses occupations personnelles.

Les jours de congés sont considérés comme du temps de travail effectif.

Si l’une de ces conditions n’est pas satisfaite, le temps passé ne correspond pas à du temps de travail effectif. Toutefois, et malgré ces critères, le temps de trajet et le temps de travail effectif est une question épineuse qui fait l’objet d’une jurisprudence fournie.

Intérêt de la distinction

L’intérêt de la distinction réside dans la contrepartie financière qui dépend de la qualification retenue. En effet, le temps de travail effectif est du temps rémunéré, tandis que le temps de trajet ne donne pas droit à une contrepartie financière puisque le salarié n’est pas considéré comme étant à la disposition de l’employeur.

Principe : le temps de trajet n’est pas compté dans le temps de travail

 

Par principe, et conformément à l’article L.3121-4 du code du travail, le temps de déplacement pour se rendre au travail n’est pas considéré comme du temps de travail effectif.

 

La loi est ainsi très claire à ce sujet, le temps de déplacement domicile-travail comme le trajet travail-domicile n’est pas du temps de travail effectif. Ce temps est considéré comme un “temps de repos”. Les salariés ne bénéficient donc d’aucune contrepartie, et ce, peu importe si leur lieu de travail est éloigné de leur domicile. C’est le corollaire de la liberté pour l’employé de choisir son lieu de résidence.

Si le principe semblait relativement clair, le sujet a rapidement fait l’objet de discussions pour les salariés qui effectuent, sur instruction de leur employeur, des déplacements pour se rendre sur un autre site que leur lieu de travail habituel. Plus concrètement, la question s’est posée pour les employés devant se rendre à une formation professionnelle, à une réunion, intervenir ponctuellement sur un autre site, ou bien effectuer des déplacements professionnels (commerciaux, formateurs, consultants…).

Deux théories s’affrontaient alors :

  • Pour certains, ce temps correspondait à du temps de travail effectif dans la mesure où le salarié se trouvait à la disposition de l'employeur, devait se conformer à ses directives sans pouvoir librement vaquer à ses occupations personnelles ;

  • Pour d’autres, ce temps était inhérent aux contraintes de l’emploi, à l’instar du temps de trajet pour se rendre au lieu de travail habituel et que le salarié conservait ainsi la possibilité de vaquer à ses occupations personnelles.

Le législateur et la jurisprudence sont venus clarifier le débat et définir les exceptions au principe.

 

Exceptions : le temps de trajet donne droit à une contrepartie sous forme financière ou sous forme de repos

 

Selon l’article L3121-4 alinéa 2 du code de travail, le temps de trajet “s’il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel du travail, fait l’objet d’une contrepartie soit sous forme de repos, soit financière”.

Ainsi, le salarié bénéficie d’une compensation financière ou d’un temps de repos supplémentaire lorsque le temps de déplacement pour se rendre sur un autre site excède le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu de travail habituel.

L’article L3121-4 alinéa 2 du code de travail précise que cette contrepartie est déterminée par convention ou accord d’entreprise ou, à défaut, par décision unilatérale de l’employeur après consultation du comité d’entreprise ou des délégués du personnel.

Si ce temps de déplacement est rémunéré comme du temps de travail effectif, il n’est pour autant pas considéré comme tel par le législateur qui considère simplement que le salarié ne doit pas subir de perte de salaire. Toutefois, la Cour de cassation est allée beaucoup plus loin que le code du travail.

Dans plusieurs arrêts, la haute juridiction a en effet considéré que les temps de trajets anormaux ou les trajets organisés par l’employeur depuis les locaux de l’entreprise devaient être considérés comme du temps de travail effectif et rémunéré comme tel.

Elle a par exemple retenu cette solution à propos :

  • D’un responsable technique basé à Montpellier qui devait régulièrement se rendre à Aix-en-Provence ou à Marseille (Cass, soc. 7 mai 2008, 07-42.702) ;

  • D’ouvriers qui devaient se rendre dans l’entreprise pour y prendre un moyen de transport (véhicule d’entreprise) mis à leur disposition pour se déplacer sur les chantiers (Cass, soc. 29 novembre 2006, n°05-41.390) ;

  • D’un chauffeur de poid-lourd qui se rend sur un lieu de prise en charge d’un véhicule qui n’est pas le lieu du siège de l’entreprise ;

  • Du salarié tenu de se rendre au siège de l’entreprise avant l’embauche et après la débauche afin de prendre et de déposer le camion et les matériels nécessaires aux chantiers (Cass, soc. 13 mars 2002, 99-43.000) ;

  • Des représentants du personnels devant se rendre, dans le cadre de l’exercice de leur mandat, à des réunions dont le temps de trajet dépassait le temps habituel domicile-travail.

Par ailleurs, la Cour a affirmé à plusieurs reprises que le temps de trajet pour assurer les missions durant les astreintes doit être qualifié de temps de travail effectif et ouvrir droit à une compensation. En effet, l’astreinte est une période durant laquelle le salarié doit se tenir à la disposition de son employeur et répondre à ses directives si besoin. Il n’est ainsi pas libre de se consacrer à ses occupations personnelles.

Toutefois, la jurisprudence considère que l’existence de contraintes particulières entourant le temps de trajet pour se rendre sur le lieu de travail ne suffit pas à caractériser l’état de disponibilité du salarié à l’égard de l’employeur et son absence totale de liberté.

Elle a notamment retenu cette solution dans une affaire où le salarié demandait la requalification en temps de travail effectif en raison des sujétions spécifiques auxquelles il devait se soumettre pendant son temps de trajet jusqu’à l’entreprise. L’employé devait en effet, lors de son arrivée sur son lieu de travail, se soumettre à un contrôle de sécurité, puis emprunter une navette dans l’enceinte de la société. La Cour de cassation considère que le fait que le salarié soit astreint à se déplacer à l’intérieur de l’enceinte sécurisée de l’entreprise ne constitue pas du temps de travail effectif.

Elle a également rejeté la qualification de temps de travail effectif pour des chauffeurs qui passaient par le dépôt de l’entreprise pour y déposer leur véhicule personnel, avant et après leur service (Cass, soc. 26 mars 2008, n°05-41.476). En effet, la Cour considère que ce trajet n’est motivé que par des raisons de convenance personnelle et que les salariés ne sont pas, pendant ce temps, à la disposition de l’employeur.

Pour résumer, l’assimilation du temps de trajet au temps de travail effectif est fonction du type et de la durée de déplacement. Le salarié bénéficie ainsi d’une contrepartie dès lors qu’il :

  • Effectue un trajet domicile-travail durant lequel il est contraint de réaliser une tâche en vertu des directives de son employeur (récupérer des équipements nécessaires à l’exécution du travail, aller chercher un collègue…) ;

  • Est contrainte de se rendre sur différents lieux de travail ;

  • Effectue des trajets avec son employeur ;

  • Se rend d'un lieu de travail (habituel ou non) à un autre lieu de travail (habituel ou non).

Dans les hypothèses employeurs plus controversées, moins évidentes, les critères sont toujours ceux de la disponibilité du salarié à l'égard de son employé, de son obligation de se soumettre aux directives de ce dernier et de sa liberté de vaquer à ses occupations personnelles. Ce sont en effet les conditions utilisées par la jurisprudence pour déterminer si le temps de travail peut être compté comme le temps de travail effectif.

 

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