Management : le courant de l’entreprise libérée

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Par Guillaume DELEMARLE
Guillaume DELEMARLE
Expert-comptable avec plus de 9 ans d'expérience. Spécialisé dans l'accompagnement des TPE et créateurs d'entreprise.
L'article en bref

L’entreprise libérée consiste à supprimer au maximum les hiérarchies. La fonction de manager est quasi inexistante et chacun, responsable de son poste, travaille à atteindre son objectif en pleine autonomie et en collaboration avec son service ou son équipe. Le courant de l’entreprise libérée a été popularisé par le professeur Isaac Getz en 2009, mais le concept existant bien avant. De tout temps, les entreprises ont cherché un nouveau mode organisationnel. Dans sa version extrême, l’entreprise libérée est une organisation plate et non pyramidale, mais dans les faits, de nombreuses entreprises se libèrent à différents niveaux, comme la SNCF par exemple avec son concept de « réseaux apprenants » permettant aux cheminots de s’impliquer auprès du service de résolution des problèmes.

Sommaire

L’entreprise libérée : quelle définition ?

On parle d’entreprise libérée pour définir le mode d’organisation des entreprises qui consiste à supprimer au maximum les hiérarchies et services de contrôle externes, et ce afin de donner plus de libertés aux équipes exécutantes. Exit les fonctions de reporting, de reporting du reporting, les services d’audit externes, les procédures et processus à rallonge, les validations par différentes couches hiérarchiques... Chaque équipe est responsable de son service et prend ses propres décisions, en accord avec l’objectif fixé en amont. La fonction de manager est quasi, voire totalement inexistante. L’entreprise et ses salariés sont alors « libérés » des chaînes bureaucratiques qui freinent la productivité et l’innovation. L’entreprise libérée dans sa version extrême serait une organisation plate et non pyramidale, sans aucune personnalité à la tête d’un service, sans même un comité de direction. Dans les faits, bien sûr, il existe plusieurs niveaux de « libération » d’une entreprise. Commencer à restreindre certaines procédures décisionnaires ou faire disparaître certains services complémentaires s’apparente déjà à une forme d’entreprise libérée.

L’entreprise libérée pour augmenter la productivité et la créativité

Quel intérêt pour une entreprise de se « libérer » ? De manière pratico-pratique d’abord, supprimer des lignes hiérarchiques permet une baisse conséquente des coûts de structure. Ensuite, la diminution des procédures et des hiérarchies dynamise l’entreprise sur son marché. Elle prend ses décisions plus vite. Chacun peut exploiter sa créativité et se responsabiliser. Enfin, une entreprise libérée serait un peu l’idéal recherché par les salariés d’aujourd’hui, en quête de sens, de liberté et d’épanouissement au travail. Sur cet aspect, l’entreprise libérée semble parfaitement adéquate.

L’entreprise libérée : toute une mentalité

Mais pour libérer l’entreprise, son dirigeant doit avoir la volonté de changer les codes du management classique. Ce qui compte ici est l’objectif, et non la manière de l’atteindre (à condition bien sûr de respecter les valeurs fondamentales de l’entreprise). On parle d’ailleurs d’entreprise « pourquoi » pour évoquer l’entreprise libérée (de « pourquoi je travaille »), à l’inverse d’une organisation traditionnelle dite entreprise « comment » (de « comment je dois travailler »). Ainsi, le dirigeant qui déciderait de libérer son entreprise devra rogner sur son pouvoir ; il n’aura aucune prise sur l’organisation du travail et des missions de ses salariés ; il ne pourra pas les contrôler régulièrement. Dans un tel contexte, une entreprise ne peut être libérée que si son dirigeant arrive à déléguer pleinement et à mettre son ego et ses angoisses de côté.

L’entreprise libérée par Isaac Getz

Les remises en question du management actuel, l’arrivée de la génération Y sur le marché du travail, la quête de sens de nos contemporains, ont nettement favorisé le concept de l’entreprise libérée, mais c’est Isaac Getz, professeur à l’ESCP Europe qui a popularisé le mouvement en 2009. Si celui-ci n’a pas inventé cette forme de management et d’organisation, il l’a profondément étudiée et promue. Isaac Getz et son équipe développent aujourd’hui le concept par le biais de conférences, de conseils et via le site internet Liberté&Co.com.

Libérer l’entreprise : quelques exemples

La forme organisationnelle de l’entreprise libérée existait bien avant qu’Isaac Getz mette un nom dessus. La plus ancienne répertoriée par Isaac Getz est l’entreprise W.L. Gore and Associates. En 1958, elle se libère « du dictat des petits chefs cadres intermédiaires », comme le soulignait son dirigeant Bill Gore, au profit des salariés dont il souhaitait faire fructifier les talents. Notez l’initiative de Chronoflex qui a décidé dès 2008 de mettre fin au système hiérarchique traditionnel observé dans son organisation, en donnant notamment plus de pouvoir décisionnaire aux salariés (sur le sujet des rémunérations sensibles par exemple). Enfin, la SNCF a lancé l’initiative « réseaux apprenants » permettant aux cheminots de s’impliquer sur la recherche et la résolution de problèmes, sur la base du volontariat. Cette forme partielle de libération a permis à la SNCF d’identifier des problèmes que ses services traditionnels n’avaient pas perçus.

Les limites de l’entreprise libérée

Finalement, toute organisation pourrait se revendiquer entreprise libérée, à condition de chercher à alléger sa bureaucratie et son système hiérarchique. De nombreuses startups recrutent sur cette base aux fins de développer une culture d’entreprise axée sur le bien-être et la créativité, mais l’initiative n’est pas si simple, notamment si l’entreprise a déjà vécu des étapes de développement incluant la création de services successifs. En France, par ailleurs, la vision de l’entreprise est relativement binaire contrairement aux pays anglo-saxons, moins structurés de nature. Il y a le service marketing vs le service commercial, le bureau de conception vs la chaîne de production... Quid d’une collaboration transverse entre les équipes, sans poste directionnel ni perspective d’évolution hiérarchique ? Quels débouchés pour les jeunes diplômés en quête d’un poste reconnu dans l’encadrement ?

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