Minorité de blocage en SARL : comment faire ?

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Par Guillaume DELEMARLE
Guillaume DELEMARLE
Expert-comptable avec plus de 9 ans d'expérience. Spécialisé dans l'accompagnement des TPE et créateurs d'entreprise.
L'article en brefLes associés minoritaires dans une SARL disposent de certains droits pour empêcher les décisions des majoritaires via une minorité de blocage, bien que ce pouvoir soit soumis à des conditions strictes. Ils peuvent bloquer des décisions majeures concernant la gestion de l'entreprise, la modification des statuts, ou la dissolution, entre autres. Ce mécanisme protège les intérêts des minoritaires et s'applique différemment en fonction des règles de majorité et de quorum fixées par les statuts et selon qu'il s'agit d'une assemblée générale ordinaire ou extraordinaire.

En assemblée générale ordinaire, la minorité de blocage est difficile à activer car les décisions sont généralement adoptées à la majorité simple de 51 %. Toutefois, les statuts peuvent prévoir des majorités qualifiées plus élevées, offrant ainsi une voie de recours aux minoritaires. En assemblée générale extraordinaire, les décisions modifiant les statuts exigent souvent une majorité des deux tiers, et les minoritaires possédant plus d'un tiers des voix peuvent alors exercer leur pouvoir de blocage. Cependant, l'abus de ce pouvoir peut entraîner des sanctions légales, notamment des dommages et intérêts pour préjudice causé à l'entreprise.
Sommaire

Dans le cadre d'une société à responsabilité limitée (SARL), les associés majoritaires sont en principe les seuls à pouvoir prendre et/ou s'opposer à une décision concernant la gestion de l'entreprise. Toutefois, selon les statuts de la société et sous certaines conditions, il est possible pour les associés minoritaires d'opposer une minorité de blocage. Découvrez comment activer ce dispositif particulier, ainsi que ses avantages et inconvénients.

Quel est le pouvoir d'un actionnaire détenant la minorité de blocage en SARL ?

En droit du commerce, le pouvoir de blocage minoritaire correspond à la possibilité pour le ou les associé(s) détenant des parts sociales réduites dans une SA ou une SARL de s'opposer à une décision du ou des actionnaire(s) majoritaire(s), sous certaines conditions définies par la loi. On parle alors de contrôle inversé

Il peut s'agir, à titre d'exemple, d'une décision portant sur la gestion courante de l'entreprise, la modification des statuts, la réduction du capital social ou encore la dissolution de la société. D'autres cas spécifiques de minorité de blocage peuvent également être prévus par les statuts de l'entreprise. 

Ce dispositif légal vise à garantir que le ou les actionnaire(s) minoritaire(s) ne soient pas écarté(s) de la gestion de l'entreprise. Conditionné par les conditions de majorité et de quorum définies dans les statuts de l'entreprise, il s'applique différemment selon la nature de la décision à prendre, et selon qu'il intervient en assemblée générale ordinaire (AGO) ou en assemblée générale extraordinaire (AGE)

 

Quelle est la minorité de blocage dans une assemblée générale ordinaire en SARL ? 

Modalités de vote des décisions dans le cadre d'AGO 

Dans le cadre d'une SARL, les associés se réunissent au minimum une fois par an en AGO afin de soumettre au vote les décisions importantes relatives à la gestion de l'entreprise, qui ne donnent pas lieu à un changement de statut (exemple : approbation des comptes, affectation des résultats, nomination ou substitution d'un meneur).

Concernant ces décisions, l'article L223-29 du Code du commerce prévoit qu'elles puissent être adoptées à la majorité simple (51 % des voix), par le vote d'un ou plusieurs associés représentant plus de la moitié des parts de la société :

« Dans les assemblées ou lors des consultations écrites, les décisions sont adoptées par un ou plusieurs associés représentant plus de la moitié des parts sociales. Si cette majorité n'est pas obtenue et sauf stipulation contraire des statuts, les associés sont, selon les cas, convoqués ou consultés une seconde fois, et les décisions sont prises à la majorité des votes émis, quel que soit le nombre des votants. »

Les associés d'une SARL ayant un nombre de voix proportionnel aux parts sociales détenues, les associés minoritaires n'ont en principe aucune possibilité de blocage dans ce type de situation, sauf dispositions spécifiques prévues dans les statuts de la société. 

Voies de recours pour le ou les actionnaire(s) minoritaire(s) en AGO

La loi offre en effet la possibilité de prévoir des règles spécifiques pour valider certaines décisions, concernant le quorum requis (nombre minimum de votants présents ou représentés lors d'une assemblée générale) ou encore le type de majorité nécessaire pour valider une décision.

Celles-ci peuvent par exemple imposer une majorité qualifiée des deux tiers des voix, soit 67 %, plutôt qu'une majorité simple de 51 %. Dans ce cas, la loi prévoit que le ou les associé(s) minoritaire(s) détenant plus d'un tiers des voix, soit 34 %, ont la possibilité d'opposer une minorité de blocage à la décision soumise. 

Enfin, il est à noter que si le nombre de voix requis pour adopter une décision n'est pas atteint lors de la première convocation de l'assemblée générale, une minorité de blocage peut également être opposée lors de la seconde consultation par majorité simple des associés présents ou représentés, sans condition de quorum.

 

Quelle est la minorité de blocage dans une assemblée générale extraordinaire d'une SARL ? 

Modalités de vote des décisions dans le cadre d'AGE 

Une assemblée générale extraordinaire doit être convoquée dès lors que la ou les mesure(s) envisagée(s) impliquent une modification des statuts de la SARL (exemple : changement de siège social, modification des modalités de répartition des bénéfices, augmentation du capital de la société). À noter que tout associé peut y participer, et ce quel que soit le nombre de parts sociales qu'il possède. 

Comme lors de l'assemblée générale ordinaire, le vote d'une décision en assemblée générale extraordinaire doit respecter les règles de quorum et de majorité définies. L'article L223-30 du Code de commerce prévoit notamment que les mesures présentées en assemblée générale extraordinaire doivent en principe réunir une majorité des deux tiers des voix des associés présents ou représentés pour être validées :

« pour les modifications statutaires des sociétés à responsabilité limitée constituées après la publication de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises, l'assemblée ne délibère valablement que si les associés présents ou représentés possèdent au moins, sur première convocation, le quart des parts et, sur deuxième convocation, le cinquième de celles-ci.

À défaut de ce quorum, la deuxième assemblée peut être prorogée à une date postérieure de deux mois au plus à celle à laquelle elle avait été convoquée. Dans l'un ou l'autre de ces deux cas, les modifications sont décidées à la majorité des deux tiers des parts détenues par les associés présents ou représentés ».

Quelques cas d'exception sont toutefois prévus par la loi comme le changement de siège social, qui peut être décidé par un ou plusieurs associés représentant plus de la moitié des parts sociales, ou encore l'augmentation du capital, qui peut être décidée par un ou plusieurs associés représentant au moins la moitié des parts :

« Sous réserve du huitième alinéa de l'article L. 223-18, le déplacement du siège social est décidé par un ou plusieurs associés représentant plus de la moitié des parts sociales »

« Par dérogation aux dispositions des deuxième et troisième alinéas, la décision d'augmenter le capital par incorporation de bénéfices ou de réserves est prise par les associés représentant au moins la moitié des parts sociales. »

Voies de recours pour le ou les actionnaire(s) minoritaire(s) en AGE

Là encore, la réglementation offre certains moyens de blocage aux associés minoritaires qui souhaiteraient s'opposer à une mesure soumise par le ou les associé(s) majoritaires. Les règles applicables pour l'opposition d'une minorité de blocage en AGE diffèrent toutefois selon l'année de création de l'entreprise, au regard de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005

  • pour les SARL constituées avant le 4 août 2005, le ou les associé(s) minoritaires doivent posséder au moins un quart des parts sociales, sans possibilité de prévoir une minorité de blocage plus faible dans les statuts de la société ;

  • pour les SARL constituées après le 4 août 2005, le ou les associé(s) minoritaires doivent posséder au moins un tiers des parts sociales, avec la possibilité de prévoir une minorité de blocage plus faible dans les statuts de la société.

Bon à savoir : les SARL créées après le 4 août 2005 peuvent être régies par les dispositions de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 sur décision prise à l'unanimité des associés. 

Au-delà de ces situations, l'article L223-30 du Code de commerce prévoit également que certaines décisions majeures ne puissent être prises qu'à l'unanimité des voix des associés de l'entreprise, offrant un moyen d'action supplémentaire aux associés minoritaires. Cela concerne toutefois exclusivement l'augmentation des engagements des associés et le changement de nationalité de la société :

« Les associés ne peuvent, si ce n'est à l'unanimité, changer la nationalité de la société »

« La majorité ne peut en aucun cas obliger un associé à augmenter son engagement social. »

 

Peut-il y avoir abus de minorité de blocage en SARL ? 

Bien que la loi prévoit plusieurs moyens de recours pour les associés minoritaires d'une SARL, ces derniers doivent veiller à ne pas faire preuve d'un abus de minorité au regard des décisions soumises par les associés majoritaires.  

L’abus de minorité est caractérisé par l'opposition d'une minorité de blocage, sur une décision apparaissant comme essentielle pour le bon fonctionnement et le développement de l'entreprise, et/ou allant délibérément contre les intérêts de la société.

La constitution d'une minorité de blocage doit ainsi exclure tout intérêt personnel. Elle ne doit intervenir que dans les cas où une décision présentée par le ou les actionnaire(s) majoritaire(s) n'apparaît pas juste ou justifiée au regard de l'activité de l'entreprise et/ou constitue un abus de majorité. 

Il est à noter que le ou les actionnaire(s) constituant une minorité de blocage peuvent voir leur responsabilité civile engagée en cas de reconnaissance d'un abus de minorité, et être contraints de verser des dommages et intérêts à l'actionnaire majoritaire en réparation du préjudice subi.

Dans ce cas, le juge du tribunal de commerce peut déclarer la nullité de la décision d'assemblée générale faisant suite à l'abus de minorité, et nommer un mandataire chargé de voter en lieu et place du ou des actionnaire(s) minoritaire(s) mis en défaut, lors de l'assemblée générale suivante. 

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